Scientifiques invisibilisées

Ada Lovelace (1815-1852), première programmeuse au monde. Aurait sans doute surkiffé l’ipad. A retrouvé un semblant de notoriété grâce à un doodle lui rendant hommage, comme quoi.

Suzanne Noël (1878-1954) est une chirurgienne esthétique pionnière dans sa profession, qui reçut la Légion d’honneur en 1928. Elle débute ses études de médecine en 1905 avec le soutien de son époux, médecin lui même. Admise comme externe des hôpitaux de Paris dans le service de chirurgie de la face du professeur Morestier, elle commence à s’intéresser à la chirurgie esthétique. Dès 1912, elle pratique seule des interventions. Elle soigne notamment la cantatrice Sarah Bernhardt à la suite d’un lifting raté. Elle est diplômée comme docteur en médecine en 1925, elle étend par la suite ses activités jusqu’alors confinées au visage. Elle fut pionnière dans l’invention de techniques chirurgicales (dégraissage par aspiration) et d’instruments (craniomètre), encore utilisés de nos jours. Docteure mais aussi féministe, elle a toujours défendu le droit des femmes dans le monde et a créé le premier club soroptimist.

Hypatie, philosophe et mathématicienne alexandrine, naquit en 360 environ et mourut en 415. Elle fut formée aux sciences et à la philosophie par son père lui même philosophe. C’était une élève brillante. D’après Socrate (un historien chrétien et non le philosophe grec qui sait qu’il ne sait rien), Hypatie surpassait les philosophes de son temps. Elle enseigna à son tour les mathématiques, la philosophie et l’astronomie dans l’école néoplatonicienne d’Alexandrie (d’après le philosophe que tout le monde connaît, lui). Elle jouissait d’une grande popularité et n’avait pas peur de se confronter à ses homologues masculins. Bien que femme, elle portait le manteau des philosophes habituellement réservé aux hommes. Parce que femme justement et à cause de sa notoriété qui ne faisait que s’accroître, elle s’attira la jalousie de certains de ses condisciples. Sous un prétexte religieux, elle fut sauvagement assassinée (battue à mort, démembrée puis brûlée publiquement) par un groupe d’hommes. Ce meurtre est resté impuni. Il ne reste rien malheureusement de son œuvre philosophique du fait de l’incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie en 642 après J.-C.

Margaret Hamilton, informaticienne et mathématicienne née en 1938, a dirigé la conception du logiciel embarqué des missions Apollo en tant que directrice du département de « software engineering » (terme qu’elle a inventé !) au MIT. Elle a écrit en grande partie le code qui a permis au module Apollo 11 de se poser sur la Lune. Trois minutes avant d’alunir, un problème critique aurait pu faire échouer la mission… C’était sans compter sur la qualité du logiciel d’Hamilton ! Son travail est à l’origine de concepts essentiels à la robustesse des logiciels d’aujourd’hui. Elle est maintenant PDG de Hamilton Technologies.

Grace Hopper (1906-1992), informaticienne et amirale de la Marine américaine, a conçu le premier compilateur et est à l’origine du langage de programmation Cobol. C’est en découvrant un véritable insecte (« bug » en anglais) dans une machine qu’elle a popularisé le terme de bug pour parler de problèmes informatiques ! Elle a reçu de nombreuses distinctions lors de sa longue et productive carrière.

Marie Bonaparte fut surnommée en son temps la princesse de la psychanalyse. Princesse en effet, elle est une descendante de Napoléon Ier. Écrivaine aussi, elle traduisit l’œuvre de Freud en français. Pionnière de la psychanalyse enfin, elle participe à la fondation de la société psychanalytique française au début du XXe siècle. Marie, qui souffrait de nombreuses névroses et phobies dont l’hypocondrie, parvint à convaincre Sigmund Freud de faire sa psychanalyse. Celle-ci dura 14 ans et permit d’établir entre le maître et l’élève de fortes relations. Elle se fit ainsi l’intermédiaire entre le monde des psychanalystes parisiens et Freud. Le 4 novembre 1926 se crée la société psychanalytique de Paris où Marie intervint dans des débats avec autorité. Elle pratiqua elle même la psychanalyse avec des méthodes quelque peu dandyesques : elle faisait chercher ses clients en taxi et les attendait étendue sur son divan tricot à la main.

Trotula Di Ruggiero (appelée aussi Trotula de Salerne) était une obstétricienne du XIe siècle. Oui, parfaitement, une chirurgienne, une obstétricienne !
Elle fut formée à l’école de Salerne. Il s’agissait à l’époque d’un des plus grands centres médicaux du monde où accouraient les étudiants de toute l’Europe pour se former de façon libre et laïque à la chirurgie. Des femmes ont eu l’autorisation de venir étudier aux cotés des hommes. Parmi elles, la plus connue était Trotula Di Ruggiero. Elle exerçait la médecine mais l’enseignait aussi, fait exceptionnel à l’époque. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages portant sur la santé des femmes, notamment la prise en charge de la douleur pendant l’accouchement. Ces ouvrages ont été longtemps attribués à des hommes du fait de la négation du rôle des femmes dans les sciences et la recherche.

Les travaux de Lise Meitner (1878-1968), scientifique autrichienne, sont à l’origine des découvertes autour de la fission nucléaire. Malgré sont doctorat en physique et sa collaboration cruciale avec Otto Hahn, elle fut écartée du crédit de ces découvertes durant la Seconde Guerre mondiale. Le comité du prix Nobel de physique s’employa activement à la marginaliser et ce fut Hahn solo qui remporta le prix Nobel de chimie en 1944.

Docteure en physique chimie anglaise, Rosalind Franklin (1920-1958) fut à l’origine de la découverte de la première cartographie de l’ADN par rayons X. Ses travaux furent usurpés par trois scientifiques masculins qui la considéraient comme leur assistante plutôt que comme cheffe de projet. Ces scientifiques reçurent le prix Nobel 4 ans après sa mort.

Biologiste américaine, Nettie Stevens (1861-1912) fut la première à mettre en évidence que le sexe était déterminé par les chromosomes. Un scientifique contemporain de Stevens arriva plus tard aux mêmes conclusions, puis un autre scientifique, Thomas Hunt Morgan, s’attribua la découverte. On apprit à la mort de Nettie qu’elle correspondait avec Hunt et qu’il lui demandait des détails sur ses expériences !

Chien-Shiung Wu (1912-1997) est une physicienne chinoise recrutée par le gouvernement américain pour participer au développement de la bombe nucléaire. Elle fut qualifiée comme le meilleur physicien expérimental de son temps. Cependant, lorsqu’elle complète la loi de la conservation (en anglais, parité !) avec deux scientifiques masculins, elle est exclue de la récompense suprême, le Nobel. Cette exclusion fut perçue comme un outrage mais jamais remise en cause.

Esther Lederberg (1922-2006), microbiologiste américaine, découvrit avec son mari Joshua Lederberg un virus tueur de bactéries, le lambda bacteriophage, et établit une méthode de réplication des colonies de bactéries encore utilisée pour tester la résistance aux antibiotiques. Une nouvelle fois, le Nobel fut attribué à son mari et deux de ses collègues masculins. Malgré ses compétences et découvertes, elle ne sera jamais nommée professeure.

Jocelyn Bell Burnell (née en 1943), Irlandaise du Nord, découvrit en 1967 ce qui sera plus tard l’un des sujets d’étude majeurs de l’astrophysique : les pulsars. Encore étudiante, elle vit la récompense suprême, le Nobel, lui filer sous le nez à la faveur de ses deux superviseurs hommes. Elle déclara : “On me confiait rarement des travaux de recherche et concilier vie de famille et carrière était très difficile.”

Madeleine Brès (1839-1925) est la première femme française docteure en médecine, obtenant son diplôme en 1875. Pour cela, elle dut passer son baccalauréat en sciences et en lettres avec l’accord de son mari. Les principaux opposants aux femmes étudiantes de médecine à l’époque, dont Charcot, utilisaient les arguments de la soi-disant nature physique (elle ne peut pas soulever des malades, est faible une semaine par mois), la nature esthétique et sensible (elle est jolie et délicate et ne supportera pas la saleté, le sang, les abcès, la puanteur), la nature psychologique (la femme n’est pas orgueilleuse et ne joue qu’un rôle second).
Les nouvelles promotions des facultés de médecine comportent aujourd’hui 60% de femmes.

Maryam Mirzakhani (née en 1977) est une mathématicienne iranienne. Elle a effectué un véritable parcours du combattant pour obtenir la médaille Fields, “le prix Nobel” des maths…et devient la première femme lauréate… le 12 août 2014 ! Il aura fallu attendre 78 ans avant que cette fameuse médaille Fields ne soit décernée à une femme.

Irene Joliot Curie (1897-1956) était physicienne, prix Nobel de Physique et femme politique. Si sa mère Marie Curie a choisi le féminisme feutré et discret, Irene ne l’entend pas de cette oreille et préfère donner de la voix en militant directement pour l’égalité femmes / hommes. Elle insiste dans le contexte d’avant-guerre pour que les femmes participent activement à la vie politique. Sa recherche de la « radioactivité », des « transuraniens » ou de la « fission nucléaire » se rapporte à sa recherche du progrès (voire du bonheur) social et de l’émancipation des femmes, puisque la science a pour finalité le bien de l’humanité.

Maria Montessori (1870-1952), géniale créatrice des écoles éponymes, a inspiré et appliqué des méthodes d’éducation révolutionnaires à leur époque et aujourd’hui encore dans 22 000 écoles à travers le monde. Elle a prouvé que tout être humain sans exception est capable d’apprentissage.

Marie Curie (1867-1934) est la première et à ce jour la seule de tous les lauréats et lauréates d’un prix Nobel à avoir été récompensée dans deux domaines scientifiques distincts (physique, chimie). Bien entendu, elle est française quand elle reçoit les prix Nobel, mais aux yeux de la presse de l’époque, elle redevient polonaise dès qu’elle est accusée de s’être éprise d’un homme marié. Pouah !

Anita Conti (1899-1997), première femme océanographe française, fut pionnière dans la recherche halieutique (sciences de l’exploitation des ressources marines). Innovatrice dans l’analyse des populations de poissons, elle met en garde dès 1939 contre les risques de surexploitation des océans. Anita Conti fut une “femme réussie plutôt que garçon manqué” comme elle aimait à le dire.

Émilie du Châtelet (1706-1749), mathématicienne et physicienne française, connue notamment pour avoir traduit Newton. Aurait pu donner son nom à la place du Châtelet. Mais déjà 300 rues parisiennes portent un nom féminin - pour 3600 avec un nom masculin - alors, oui, mais non.