Culture Georgette : Elisabeth Vigée-Lebrun au Grand Palais
actualites InvisibiliséesNe vous méprenez pas, à la vue des tons sirupeux de l’affiche de l’exposition représentant la Duchesse de Polignac, la grande copine de teuf de Marie-Antoinette : ce style est bien le style de Louise Elisabeth Vigée-Lebrun (avec un tiret, car la Demoiselle à l’époque avait juxtaposé son nom, Vigée, et celui de son époux, Lebrun, ayant connu notoriété et richesse avant son mariage). Cependant, si ce style très classique et l’utilisation assez particulière de la peinture pour gommer les imperfections des grands et grandes du monde l’époque peut ne pas plaire, c’est pourtant le regard de la peintre sur un quasi siècle de bouleversements et son rôle de témoin des changements politiques et des vie de cour qui sont passionnants dans cette exposition. C’est pour cette raison que Georgette Sand, qui tient un registre des femmes invisibilisées de l’Histoire, vous conseille vivement cette exposition au Grand Palais, du 23 septembre 2015 au 11 janvier 2016.
Une fortune entièrement batie sur son art
Certes, les commissaires de l’exposition sont tous masculins et on la compare sur le site du grand palais, comme sur Wikipedia, à Quentin de la Tour ou Jean-Baptiste Greuze (parce qu’il faut bien des références masculines). Mais attention, dans cette exposition, on va parler de femmes, de femmes politiques et de femmes peintres. A l’époque,était acceptée la peinture de la part des femmes oisives, venant d’un milieu ou cela était accepté. Dans le cas de Louise Elisabeth, elle vient d’un milieu artiste, mais point de richesse et c’est par sa peinture et sa peinture seulement, combiné à son art certain de gérer ses relations publiques, qu’elle doit notoriété et fortune.
La première femme à accédér à l’Académie royale de peinture et des sculpture
Le père soutient (merci Papa) le talent de sa fille. Laquelle finira par devenir la portraitiste officielle de Marie-Antoinette son exacte contemporaine, qui abusera (mais on ne lui en tient pas rigueur pour une fois) de son pouvoir pour faire d’Elisabeth Vigée-Lebrun la première femme à accédér à l’Académie royale de peinture et des sculpture, en 1783, avec sa contemporaine Adelaide Labille-Guiard, et ce malgré l’opposition des académiciens, parce femme, et parce que femme de marchand (ho la honte). Mais connaissons-nous Jean-Baptiste Marie Pierre, premier peintre du roi, et principal détracteur, aujourd’hui ? Non, et c’est bien fait pour lui.
Cette peinture de Marie-Antoinette lui sera reprochée car son amour maternel ne serait pas assez visible…
Cette peinture « la Paix ramenant l’Abondance est une « peinture d’histoire », c’est ce que présentera, sans qu’on le lui ait demandé, Elisabeth Vigée Lebrun à l’Académie lors de son investiture. Une manière de rappeler qu’elle savait peindre comme les Grands (enfin les hommes, quoi) et qu’elle avait plusieurs poils à son pinceau.
Une émulation féminine qui permet de voire éclore de nombreux talents
Donc il y a des femmes peintres, beaucoup, partout en Europe, une émulation collective certaine, et ce joli monde a tendance soit à ne peindre que des beautés, quand on suit l’exposition, soit à (sans doute) enjoliver un peu la réalité. Gommons les mentons tombants et les paupières trop bombées, les visages plus carrés, pour cela, attendez l’arrivée dans quelques décennies des habiles préraphaelites. Louise-Elisabeth peint toute la cour, fait des caprices pour peindre les ambassadeurs ottomans (qui ne veulent pas au début être représentés, encore moins par une femme, et puis ils cèdent, sacrée Elisabeth). Riche, mondaine, elle vit de manière dispendieuse (le roi lui même l’aurait sermonnée pour certaines soirées scandaleusement onéreuses… en 1789. D’ailleurs, elle doit s’exiler à la Révolution.
Portrait : de mémoire, il s’agit de Lady Hamilton, rencontrée à Naples.
« les femmes régnaient alors, la révolution les a détrônées »
Celle qui fut une peintre puissante dira de la fin de l’Ancien Régime « les femmes régnaient alors, la révolution les a détrônées ». Quand on voit ce qu’a fait Napoléon pour la condition feminine, et que le nom Vigée sera copieusmeent gommé à partir de 1789, pour ne laisser que celui de Lebrun, on lui donne un peu raison.
Elisabeth Louise Vigée-Lebrun, qui laisse son mari derrière, va faire le tour des cours d’Europe, réfugiée en Italie chez une soeur de Marie-Antoinette, en Russie chez Catherine II* (voir tableau ci dessous). Elle continue de peindre, toujours aussi en vogue, perd de nombreux proches sous la Terreur, et ne reviendra qu’en 1802 où elle va peindre la famille impériale.
*Georgettes devant Catherine Koutouzova, la femme du général Koutouzov qui mettra l’armée napoléonienne en déroute. A voir le menton déterminé, il n’y a pas de doute, on ne riait pas tous les jours à la maison Koutoukov, mais ils n’ont pas gagné la bérézina pour rien.
La peintre fera notamment le portrait de Caroline Murat, soeur de Bonaparte devenue Reine de Naples dont elle dira « J’ai peint de véritables princesses qui ne m’ont jamais tourmentée et ne m’ont pas fait attendre« .
Elisabeth Vigee Lebrun continuera de peindre et voyager, y compris sous la Restauration, et ce jusqu’à sa mort en 1842. A voir cette exposition, jalonnée de parcours politiques de femmes, mais également d’autres femmes peintres traversant la même époque, on ne peut qu’être épatées par son parcours dans une période de bouleversements sociaux et politiques. On notera dans son art un fil rouge, la volonté d’envelopper d’esthétique classique une époque qui bouge bien plus vite que sa peinture et connait une forme de repos dans la volonté de l’éxécutante de respecter des canons classiques. On applaudit également la détermination d’Elisabeth Vigée-Lebrun qui arriva à l’époque à faire du portrait un art à part entière, tout comme un manifeste d’émancipation politique.
Quelques références
la base Joconde qui permet de chercher les femmes peintres
notre tumblr Invisibilisées, qui rend hommage aux femmes méconnues (car Elisabeth Vigée Lebrun, entre le 19eme siècle et aujourd’hui, va progressivement devenir Madame Lebrun, femme de Monsieur, puisque totalement disparaitre des encyclopédies de peinture, et subir la critique de ceux jugeant sa peinture mièvre et ses autoportrits un peu trop égocentrés. On apprécie ce retour de flamme, que l’on doit peut-être à Sophia Coppola. Merci Sophia.
et toutes nos excuses, il y avait des femmes peintres dans les autres cours européennes, notamment à Naples, mais leur nom nous échappe, alors allez voir l’expo.