Georgette Sand libère Playmobil

Après Moulinex libérant la femme, Georgette Sand ce 18 décembre  libérait Playmobil à l’occasion de la parution du  rapport sur les jouets genrés de Mme Chantal Jouanno et M. Roland Courteau au Sénat, dans lequel on pouvait lire :

“la période actuelle est caractérisée par une nette séparation des univers de jeu des filles et des garçons et que ce cloisonnement a atteint une ampleur que n’ont pas connue les générations élevées jusque dans les années 1980”.

  • Intervention de Gaelle Couraud, de Georgette Sand, à ce sujet sur RMC le 18/12
  • Intervention d’Ophélie Latil, de Georgette Sand, à ce sujet sur France Bleu, le 18/12
  • Selon Christine Guionnet,  sociologue, coauteure de Féminins-masculins, Sociologie du genre, “Cela fait une quinzaine d’années que les jouets sont de plus en plus genrés. Regardez les Playmobil et les Lego. Avant, ils étaient destinés à tout le monde. Maintenant, il y a les Lego filles autour de la maternité et de l’hygiène et les Lego garçons qui concernent l’espace et la construction. Même chose pour les Playmobil.” (Libération, le 13/12/2020)

Georgette libère Playmobil, action au Village du Jouet, Paris. Photo Antoine Lucas

 

Allons plus loin en dégenrant les jouets et déjouant les stéréotypes :

La segmentation du marché est un concept marketing. Et celui utilisé aujourd’hui se base sur des idées qui datent des années 50, un remake falot de Mad Men : aux femmes l’espace privé, aux hommes l’espace public.

« Nous avons découvert que les jouets des filles sont plus associés à la mise en valeur du physique, à l’éducation des enfants, aux activités domestiques. Ceux des garçons sont basés sur des activités plus excitantes, dangereuses, où l’on est en compétition. Les jouets définis comme ayant le meilleur apport pédagogique pour développer les aptitudes physiques, cognitives et artistiques des enfants sont généralement ceux qui sont considérés comme « neutre » ou « modérément masculins ». En conclusion : les jouets qui fortement catégorisé pour un genre ou l’autre sont moins intéressant pour le développement de l’enfant que ceux cités précédemment. » explique le professeur Elaine Blakemore de l’université Purdue de Fort Wayne.

« Bien sûr que les gênes et les hormones jouent un rôle dans la différence entre les filles et les garçons. Mais les facteurs sociaux […] ont beaucoup plus de pouvoir que ce que nous pensions jusqu’alors. […] Dans un monde de plus en plus complexe et compétitif, nous avons besoin de garçon émotionnellement intelligents et de filles à l’aise avec les technologies. En comprenant comment les différences entre les deux sexes émergent, plutôt que de s’arrêter à l’idée qu’elles sont figées par la biologie, nous pouvons aider les enfants a atteindre le meilleur potentiel et mettre fin à la guerre des genre qui nous divise actuellement. » écrit Lise Eliot, neuroscientifique américaine dans son livre « Pink brain, blue brain ».

Une séparation qui a des conséquences sur le comportement des enfants dans la vie réelle que l’on n’est pas supposés accepter, après des décennies de lutte pour l’égalité : même pour un fan de vintage, certains chiffres piquent les yeux :

  • selon l’INSEE, les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps au ménage que leurs “égaux” masculins ;
  • pour le Laboratoire de l’Egalité, les femmes ne représentent que 18 % des intervenant-e-s dans les médias.
  • En parallèle, quand elles travaillent, leur poste est essentiellement un travail internalisé sous forme de  fonctions dites  de “support”. L’émancipation serait-elle donc un leurre ?

Revenons à nos jouets : Georgette Sand, qui comprend l’envie de certains responsables marketing à l’imagination débordante dès qu’il s’agit de légitimer leur salaire, souhaite cependant remballer certains concepts. Car appliqués aux plus jeunes, ils pourraient avoir de furieuses conséquences sur nos têtes blondes. Si adultes, nous sommes libres de ne pas acheter un dentifrice à la testostérone ou du shampooing rose à l’extrait de crin de licorne, enfant, a-t-on toujours le choix de nos jeux quand le marketing nous limite dans nos choix ?

 

Dans les années 70, le catalogue Sears montre une petite fille jouant avec la nouvelle mallette de charpentier